A l’Hôpital, nous retrouvons BEUCLER et son compagnon. Quant aux camarades que nous avions laissés à VIETRI, ils seront libérés peu après nous...
C’est la joie, mais une joie grave sans manifestation bruyante. Le soir on nous apporte un "repas " léger pour nos estomacs, et surtout pas de vin. Nous sommes furieux, et nous soudoyons un infirmier qui va nous acheter une bonne bouteille. Mais nous sommes raisonnables et nous ne " dégusterons " chacun qu’un demi-verre.
Le lendemain, ce sont toutes les formalités inévitables, d’abord médicales avec des examens approfondis. Puis ce sont les formalités administratives ou j’apprends que j’ai la Légion d’Honneur et une palme depuis quatre ans... Nous apprenons aussi avec stupéfaction que la durée de la captivité sera décomptée pour la retraite en " campagne simple " au lieu de la " campagne double " qui était normalement accordée au plus petit planqué à SAÏGON. Nous sommes furieux et ce n’est que 3 ou 4 ans plus tard que l’on nous accordera la " campagne double " pour " insalubrité " !...
On nous donne aussi de l’argent de poche, une avance sur notre rappel de solde et... un paquetage complet avec tenue de combat (!) que nous distribuerons aux infirmiers vietnamiens ravis.
Nous pouvons sortir librement en ville, je me fais photographier ( la photo sera " retouchée " par le photographe pour être plus présentable...).
Je m’achète une paire de chaussures en cuir, très souples, avec semelles de crêpe... Ca y est, j’ai réalisé mon envie d’il y a 25 ans quand j’étais petit garçon à l’école maternelle de la rue de LODI à MARSEILLE.
Le surlendemain, nous sommes dirigés vers le terrain d’aviation, embarqués sur un DC3, et nous partons plein Sud vers SAÏGON à 1500 km, où nous serons admis à l’Hôpital GRAAL pendant une huitaine de jours pour y subir un certain nombre de traitements contre tous les parasites internes qui nous ont envahis.
Chacun s’ingénie, à nous faciliter la vie et nous pouvons sortir, aller et venir comme bon nous semble. Nous en profitons pour arpenter l’inévitable rue CATINAT, nous balader en pousse-pousse et aller à CHOLON faire de somptueux repas chinois en particulier au Palais de JADE. Nous y découvrons le système très astucieux et même très moral des taxis-girls, ce qui n’a rien à voir avec les entraîneuses de chez nous. Il s’agit de " louer " une fille en général belle et sachant tenir une conversation à table ou sur la piste de danse, le temps de la location par tranches de 1 heure, réglée à une préposée. Ces filles ne sont pas rémunérées " au bouchon " et ne poussent pas à la consommation, comme en Europe. Par ailleurs cette location ne va au delà des limites de l’établissement, ni pour des apartés... On passe ainsi une soirée agréable excluant toute incorrection, car elles sont intouchables.