Le Départ



Le 4 avril 1949, j'embarque à MERS-EL-KEBIR sur un liberty ship le "GERARDMER". Ce type de bateau construit en très grande série pendant la guerre par les américains était essentiellement conçu pour le transport des marchandises et matériels de toutes sortes nécessaires à la guerre. Pour transporter 800 tirailleurs, c'est une autre affaire. Mais nous adorons bricoler... Des couchettes en bois, superposées ont été installées dans les cales, avec des tables et des bancs au centre. Pour les officiers, nous avons en plus, des cloisons en planches qui délimitent des "cabines" pour quatre. La nourriture est à peine passable. Quant à la climatisation !!...tandis que les sanitaires sont vraiment sommaires.

Nous partons néanmoins dans cet équipage vers HAÏPHONG que nous atteindrons après 33 jours de mer... Pendant la durée du voyage, il n'y a qu'une escale prévue à DJIBOUTI. Nous apercevons donc PORT SAÏD, pendant l'arrêt obligatoire en rade lors du regroupement du convoi "descendant" pour franchir le canal et croiser le convoi "montant" dans le grand lac. Pendant cette halte à PORT SAÏD, le bateau est environné par une nuée de barques égyptiennes multicolores, pour venir nous proposer toute une bimbeloterie pour touristes (encore très peu nombreux à cette époque) et l'inévitable poudre de mouches cantharides aux vertus supposées aphrodisiaques. C'est bien le moment...

Le franchissement du canal, au milieu d'un désert de sable avec ses palmiers et quelques chameaux réglementaires, est très surprenant et intéressant. En arrivant dans le Grand Lac, nous longeons ISMAÏLA, véritable oasis de verdure avec de belles villas destinées aux techniciens et spécialistes étrangers, surtout français, participant au fonctionnement et à l'entretien du canal. Nous apercevons de longues plages avec des gens qui se baignent. Dès que nous sommes repérés, de nombreux canots à moteur viennent nous saluer et nous encourager.

Après le port de SUEZ, nous entrons dans la Mer ROUGE et nous commençons à avoir très chaud dans le bateau. Aussi nous restons sur le pont la plus grande partie de la nuit pour avoir un peu de fraîcheur. A DJIBOUTI nous faisons l'escale de ravitaillement prévue, et bien sûr nous sommes très heureux d'aller passer un moment à terre. Mais il est 13H, il fait chaud, donc toute la ville fait la sieste, et tout est fermé, même les bistrots. Nous n'avons pas l'air très malin et nous errons comme des âmes en peine, car il n'y a rien à voir, jusqu'à 16H où la ville se réveille enfin. Mais le temps a passé et nous avons juste le temps d'aller boire une bière fraîche au café traditionnel "Le palmier en zinc", et il faut rembarquer.

Dès que nous sommes dans l'Océan INDIEN, nous somme environnés par une multitude de poissons volants, tandis qu'au loin nous apercevons des cachalots avec leur geyser.

Le voyage se poursuit, monotone et sans beaucoup d'occupations. Nous n'avons pas de matériel, pas d'armes, pas de poste radio, aucun équipement, et il est difficile de donner un peu d'activités militaires aux tirailleurs, qui jouent aux cartes, à longueur de journée, ce qui n'est pas ce qu'il y a de mieux pour eux. Nous faisons une nouvelle halte, non prévue, en rade de COLOMBO dans l'île de CEYLAN, pour débarquer un tirailleur gravement malade, qui sera récupéré le lendemain par le "PASTEUR" qui rentre en FRANCE. Ce bateau était parti de MERS-EL-KEBIR la veille de notre départ. Il a eu le temps d'aller à SAÏGON (plutôt au CAP St JACQUES), de débarquer ses 4000 hommes, d'en reprendre autant et d'être déjà à CEYLAN sur le chemin du retour. le Pasteur était très rapide et les conditions de confort bien meilleures que ce que nous avions. Effectivement nous croisons le "PASTEUR" en mer le lendemain et il vient au plus près nous saluer à grands coups de sirène.

Lnt JAUBERT, Cap. Brun, Cap. VINCENS, Lnt. REIGNIER, Cap. CASANOVA


Nous passons devant SINGAPOUR sans nous arrêter mais par contre nous faisons une nouvelle halte non prévue au CAP St JACQUES, pour débarquer une infirmière, épouse d'un camarade de promotion, qui rejoignant son mari, et son poste, avait raté son rembarquement sur le "PASTEUR" à l'escale de MERS-EL-KEBIR. Elle avait donc voyagé avec nous, mais il n'était pas prévu d'avoir une femme à bord et cela a posé quelques petits problèmes de cohabitations. Finalement elle a été installée à l'infirmerie.

Nous reprenons la mer, pour remonter vers HAÏPHONG, en mer de CHINE, en longeant les côtes d'INDOCHINE. Nous croisons de grosses tortues de mer assez impressionnantes et nous accostons enfin à HAÏPHONG le 7 mai 1949.

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