Nous avions passé nos vingt ans dans les combats de la
libération, de la Campagne de France et d’Allemagne. Beaucoup parmi
nous avaient aussi connu la Tunisie, l’Italie, la Corse et le débarquement
en Provence.
En janvier 1946, nous nous sommes retrouvés dans la grisaille
bretonne de l'École de COËTQUIDAN, et très rapidement,
alors que nous arrivions d’horizons si divers, une grande camaraderie s’est
créée entre nous.
Cette période d'École et ses apprentissages variés
nous est apparue longue et pesante, malgré le rythme plus que soutenu
des diverses activités. Nous savions que la 2ème DB et la
9ème Division d’Infanterie Coloniale étaient parties en INDOCHINE,
pour y rétablir notre présence, et qu’au delà des
problèmes créés par les Japonais, les Chinois, les
Anglais et les Américains, il y avait des « rebelles »
qui s’opposaient à nos troupes.
Les tergiversations politiques ont duré toute l’année
1946. HO CHI MINH est venu à Paris, et le 18 Juin 1946, lors du
grand défilé militaire auquel l'École participait,
nous avons pu apercevoir sa frêle silhouette, à la tribune
officielle, aux côtés du Président de la République...
Cette INDOCHINE, si lointaine, si mystérieuse, s’est rapidement
imposée à nous, par tous les souvenirs des combats héroïques
de la « conquête coloniale », et nous sentions confusément
que, nous aussi, nous aurions un rôle à y jouer.
Aussi lorsqu’il a fallu choisir et proposer au Commandement un
nom de baptême pour notre promotion, nous avons très rapidement
proposé « INDOCHINE FRANCAISE », ramené au seul
nom « INDOCHINE » par la prudente sagesse du ministère.
C’est ainsi, que dès la sortie des Écoles d’Application
des Armes, les camarades ont commencé début 1948 à
embarquer pour « l’INDO ». Certains y feront jusqu’à...
« 3 séjours » (!), et une centaine d’entre eux y perdra
la vie au combat ou d’épuisement dans les camps VIETS.
Mais toutes ces épreuves, nous ne les connaissions pas,
nous ne pouvions même pas les imaginer, et quand bien même
nous l’aurions su ou imaginé, cela ne nous aurait pas empêché
« d’y aller »...